Outils des classes uniques
« Ce divorce entre la mécanique et
la pensée risque d’être définitif. Il est à l’origine d’une forme nouvelle de
l’analphabétisme : les enfants, les adolescents et les hommes qui en sont
atteints savent déchiffrer mais ne comprennent point ce qu’ils lisent. La
méthode naturelle, en lecture comme en écriture, est d’abord expression et
communication, par le truchement de signes écrits. L’essentiel est alors de
comprendre ou de deviner, à travers les signes, la pensée ou les indications
qu’ils expriment, et chacun s’y applique selon sa complexion, dans un
tâtonnement expérimental qui utilise, suivant les individus, le globalisme ou la
décomposition ou les deux à la fois. L’essentiel, c’est d’y aller à bicyclette.
On ne considère le mécanisme que lorsque le démarrage est trop difficile, comme
le petit enfant dont le but n’est jamais de prononcer des syllabes ou des mots
mais de se faire comprendre et de comprendre les êtres vivants qui sont autour
de lui – bêtes et fleurs inclus – pour affermir et affirmer sa puissance. […]
L’élève de l’école moderne cherchera d’abord ce que signifient les signes parce
que, pour lui, pour la construction de sa vie, seul le sens importe. Nous le
verrons alors scruter le texte globalement et ajuster les connaissances
techniques qu ‘il a pu acquérir par ses précédentes expériences et qui
joueront le rôle de poteaux indicateurs qui l’aideront à s’orienter.[1] »
Voici une démarche type
pour la mise en place d’une démarche pédagogique permettant aux enfants d’engager
des stratégies pour une méthode naturelle d’apprentissage de la lecture et de
l’écriture. A noter qu’il s’agit d’une démarche pour l’enseignant qui agit moins
sur l’enfant que sur son environnement et une méthode propre à chacun d’entre
eux.
Etape
0 : L’utilité de la
lecture et de l’écriture (en début de
processus) Consigne :
« A quoi la lecture et l’écriture vont-elles vous
servir ? » La visée de cette étape
est de permettre à chaque enfant de repérer dans son quotidien, de manière
opératoire, quels vont être les domaines et les situations sur lesquels ces
apprentissages vont lui apporter une liberté plus
importante. |
Etape
1 : Choix du texte de
référence Régulièrement, chaque
volontaire (enseignant compris) propose une histoire ou un écrit. Il peut s’agir
d’une présentation orale, d’un écrit personnel ou d’un album de jeunesse. Il
l’explique et répond aux questions. Celui qui retient le plus
d’intérêt est retenu comme texte de référence. |
Etape
2 : Découverte du
texte Le
texte est rédigé avec deux formes de polices différentes. Il est présenté sur
une affiche visible par tous. a)
première
présentation du texte : il est découvert très peu de temps pour une prise
d’indice immédiate. Les enfants identifient le titre, la signature, divers
codes, … b)
« Parcourir
le texte avec les yeux » : Les enfants qui savent déjà lire vont
servir d’experts. Par exemple, c’est eux qui vont faire remarquer les
« c’est comme… » c)
distribution
des textes de référence sur les feuilles personnelles. Les enfants ont pour
consigne de souligner les mots qu’ils n’arrivent pas à lire ou qui leur posent
problème. d)
Exploration
du texte : on essaye de lire ce qu’il y a d’inscrit dans la première
phrase : lecture des mots connus, intérêt porté aux mots inconnus, chaque
enfant donne son avis en argumentant (« parce que … »), le critère de
validation étant que les autres comprennent. On
peut multiplier les présentations de stratégies. |
Etape
3 : Lecture du
texte Chaque enfant essaie de
lire seul le texte en entier, une ou deux phrases « à l’envers » et
des mots pris au hasard. Lorsque ce travail est terminé, le texte est
valide |
Etape
4 :
Etiquettes Les mots ou les groupèmes
du texte sont repris sur des étiquettes qui font l’objet de différentes
activités : reconnaissances collectives, individuelles, reconstitution du
texte, « C’est comme » (regroupement des étiquettes qui ont un phonème
commun), … |
Etape
5 : Fiche
d’entraînement et LECTRA A partir du texte de
référence, une fiche d’entraînement regroupe des activités de segmentation, de
reconnaissance, d’écriture et de lecture. Le logiciel LECTRA propose
d’autres activités à partir du même texte de
référence. |
N.B. 1 : Les enfants
qui ne maîtrisent pas encore les compétences nécessaires à un recours fluide à
la lecture et l’écriture sont regroupés en un « Groupe de lecture »
qui se réunit quotidiennement avec l’animation de
l’enseignant.
N.B. 2 : Ce travail
autour des textes de référence est enrichi par les différentes situations de
recours à l’écrit dans la classe : correspondance, journal scolaire,
pagettes, … Les enfants du groupe de lecture demandent alors à leur voisin ou
tuteur les éventuelles aides.
N.B. 3 : Le travail
demandé à faire dans les familles ou avec les animateurs d’aide aux devoirs
consiste à travailler les textes de référence (lecture du texte, à l’endroit, à
l’envers, des mots pris au hasard, questions sur le sens) puis à rechercher et
découvrir de nouveaux écrits pris dans son environnement (afin pourquoi pas de
les proposer comme futur textes de référence).
N.B. 4 : Divers
outils spécialement réservés aux enfants du groupe de lecture sont disponibles
dans la classe : la malette des sons, les lettres en bois, les mots
magnétiques, l’interface des lettres, l’imprimerie, …
[1] FREINET Célestin, « Méthode naturelle de lecture », dans « Œuvres pédagogiques », Seuil, 1994, p 237.